mardi 14 janvier 2014

Invention de l'héliogravure



 
Joseph-Nicéphore Niépce. Heliogravure de Dujard


L’invention de l’héliogravure commence vers les années 1820 avec les recherches de Joseph-Nicéphore Niépce (1765-1833) autour la photo-sensibilité du bitume de Judée dont une de ses premières utilisations fut la reproduction de gravures au burin. Ainsi, des plaques métaliques couvertes d’une mince couche de bitume étaient exposées à la lumière au-dessous de l’estampe à reproduire. Après leur développement avec un solvant, on pouvait y voir les négatifs des trames linéaires des gravures[1]. Ces plaques, après avoir été attaquées par un acide, constituaient des matrices calcographiques avec lesquelles on imprima les prémieres héliogravures. Niépce réalisa aussi des images qu’il ne grava pas et qui reçurent le nom d’héliographies [2]. Bien que leur qualité ne soit pas excellent, les images obtenues par Niépce sont de véritables photographies et des héliogravures de plein droit, et démontrent l’unité d’origine des deux champs d’élaboration d’images.
Après la présentation –en 1839– du daguerréotype et du calotype, le premier élan pour le développement de la photomécanique vint de quelques scientifiques qui désiraient publier des images de leurs recherches. Une fois que le calotype fut écarté par son manque de netteté –en plus de son grave problème de permanence– les chercheurs s’appliquèrent à la transformation des plaques des daguerréotypes en des matrices calcographiques. On essaya la morsure des daguerréotypes en se basant sur la résistance à l’acide de l’amalgame du mercure –correspondant aux tons clairs– de telle façon que l’action corrosive ne se produisait que sur les zones obscures –d’argent– de la plaque. On essaya aussi d’autres systèmes compliqués de fondement électrolytique, néanmoins bien que quelques images acceptables pour cette époque aient été obtenues, on accorda que le daguerréotype n’était pas un bon point de départ pour la reproduction photomécanique.
On essaya pour quelque temps avec le bitume de Judée [3] ; et aussi avec des éléments daguerréotypiques comme l’iode, le mercure et l’argent. Cependant tous ces procédés furent écartés au moment où on commença à utiliser les sels du chrome associées avec certains colloïdes [4]. Cette combination de matériaux ouvrit d’importantes voies de recherche et provoqua l’apparition de nombreux systèmes.


Fox Talbot
Le britanique William Henry Fox Talbot (1800-1877) est la principale personnalité de la recherche photomécanique. C’est lui qui établit les bases qui conduisirent au développement et perfectionnement des divers procédés hélio-calcographiques. Sa motivation provenait probablement autant des problèmes de production et stabilité de son œuvre The Pencil of Nature (1844-46) que de ses connaissances sur la morsure de daguerréotypes. Ses contributions essentielles furent : l’application de sa méthode calotypique –négatif-positif­­– pour créer autant le cliché que l’image ; l’utilisation d’un colloïde dichromaté pour fabriquer la matrice d’impression ; l’utilisation de trames pour structurer la matrice imprimante et produire des arées de tonalité consistant dans l’image ; et l’utilisation du perchlorure à travers la gélatine pour la morsure du cuivre. Ces apports, déjà présents avec ses deux procédés photoglyphiques [5] ont été les piliers de l’héliogravure et de l’industrie photomécanique traditionnelle.


Poitevin
Le chimiste français Alphonse-Louis Poitevin (1819-1882) est un autre personnage clef de notre procédé. Pionnier en l’utilisation des colloïdes bichromatés, en 1855 il breveta deux procédures –l’hélioplastie et la phototypie– qui lui rapportèrent d’importantes distinctions et qui determinèrent de nombreux systèmes de travail. Poitevin breveta, en même temps que ces procedures-là, le premier processus photographique au charbon. Avec lui, l’image se formait grâce à la disolution partielle, dans l’eau chaude, d’une couche de gélatine pigmentée, exposée à la lumière à travers d’un cliché négatif. Le procédé au charbon de Poitevin ne rendait pas bien les démi-teintes mais, en 1864, Joseph Wilson Swan (1828-1914) solutionna ce problème au moyen d’une amélioration qu’il dénomma carbon transfer process et qui fut décisive pour le procédé final d’héliogravure.


Klíč
Celui qui trouva la clef et qui établit le procédé d’héliogravure fut l’illustrateur, photographe et inventeur bohémien Karel Václav Klíč (1841-1926). Il eut l’idée géniale de combiner la photoglyphy de Talbot (qui ne rendait pas de très bonnes images) avec le procédé au charbon par transfert de Swan. De cette façon il obtint, en 1879, des matrices d’héliogravure d’une très grande qualité. La nouvelle procédure fut très bien acueillie et d’importants impresseurs internationaux acquirent bientôt les droits pour l’exploiter dans leurs divers pays. Ultérieurement, Klic adapta son procédé à la production industrielle parmi l’emploi de cylindres pour l’impression rotative. Avec l’établissement en 1890 de la rotogravure [6] et ses postérieures améliorations, le développement de la photomécanique basée sur la chimie arriva à son sommet, et l’emploi de l’héliogravure se généralisa pour la photogravure en creux sur la plaque ou la rotative. 
                                                   

[1] La plus célebre est, probablement, le Point de vue dés la fenêtre du Gras (1826).
[2] La plus connue de ces images est le portrait de Georges d’Amboise (1826), qui fut cardinal de Reims vers 1650, dessiné par Isaac Briot.
[3] En 1854, Nièpce de Saint Victor avait perfectionné la procédure de son oncle Nicéphore Niépce en appliquant le bitume très mincement et en mordant la plaque, en acier, avec l’acide nitrique et l’alcool après avoir appliqué un grainage de rosin. Voir la description au chapitre « Gravure héliographique sur acier et sur verre » (Niépce, 1855).
[4] On dénomme colloïdes certaines substances organiques telles que les colles, les gélatines et les gommes.

[5] Les deux versions de la photoglyphy furent brevetés par Talbot en 1852 et 1858.

[6] La rotogravure devint immediamment un repère de qualité dans le champ des arts graphiques. En Espagne, son nom traditionnel est ce de huecograbado ; son emploi le plus connu se produit dans la presse quotidiénne : ABC, La Vanguardia, Ahora, El Debate ; à Valence, le journal Las Provincias l’incorpora en janvier 1931.


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